Appelez-moi Madame le juge!

 

Depuis que j’ai poussé les portes du Photoclub d’Epinay-sur-Orge, mes amis photographes m’ont encouragée à proposer mes photos en exposition au niveau départemental puis régional et, quand les notes étaient suffisantes, en national. Et voilà, le mot est dit : ‘note’. Et pour qu’il y ait note, il faut qu’il y ait juge !

 

 

Le point de vue du jugé

J’ai présenté mes photos pour la première fois en 2007. En les mettant dans les cadres, j’étais très fière de mon travail. Et ensuite, j’ai fait le tour de l’exposition et je n’étais plus très fière de mon travail. Je trouvais le travail des autres meilleur en termes de technique de prise de vue, post-traitement, couleurs, idées…J’ai été jugée, critiquée avec plus ou moins de bienveillance mais aussi récompensée, félicitée, encouragée. J’ai appris des juges, de leur point de vue. Je n’étais évidemment pas toujours d’accord mais ils m’ont fait voir mon travail sous un autre angle. Mes premières notes en concours régional ont été 10, 11 et 12 Et en voyant les autres photos des photographes ce jour-là, je ne méritais pas plus que les notes qui m’avaient été attribuées…Mes photos ne valaient pas plus.

Alors j’ai travaillé, creusé, cherché les informations auprès de ceux qui savaient… avec pour objectif d’améliorer mes notes sachant que les concours ont leurs règles et que, parfois, sortir du cadre, c’est oser, mais cela passe ou cela casse. C’est la règle du jeu, car après tout, ce n’est qu’un jeu, qu’il faut se féliciter d’avoir osé montrer son travail et qu’en cela c’est déjà une victoire.

Dans mon parcours associatif, j’ai aidé, je crois, et encouragé les personnes à oser montrer leur travail, à creuser leurs idées, et pour cela j’ai été trois ans commissaire régionale. Trois années où il a fallu, pour chacun des concours, trouver 3 juges, des connus et des moins connus au niveau de la région, des hommes et des femmes tous aux parcours photographique et de vie différents mais passionnés par l’image et ce qu’elle transmet. A chaque fois, j’ai poussé mes juges à expliquer le pourquoi de leur note surtout quand il ou elle n’était pas d’accord avec un autre juge. Cela a donné des échanges passionnés et passionnants où chacun, me semble-t-il, en sort grandi s’il s’ouvre à l’autre en termes de point de vue.

 

Le point de vue du juge

Et puis un jour, on t’appelle et on te demande d’être juge. Alors tu balbuties, tu hésites, tu listes ton manque d’expérience, ta peur du de mal juger…et puis tu te dis, on est 3 alors, au pire, ma note n’aura pas trop de répercussions dans la moyenne. Alors tu dis un oui timide et tu arrives le jour J un peu, beaucoup tremblante mais avec un maximum de bienveillance.

Tu arrives avec tes gants blancs. Tu sens que tu es passée de l’autre côté, qu’on t’observe, qu’on te juge même avant que tu commences à juger les photos. Devant 3 ou 4 tables, des petits cartons avec des notes de 6 (encourageant celui qui a osé montrer sa photo même si le résultat n’est pas satisfaisant aux yeux du juge) à 20. Le commissaire te rappelle les règles, que tu as toi-même dites un jour, en te rappelant la fameuse courbe de Gauss, d’accorder au moins un 20, d’être indulgente car c’est un concours régional. Quoi, vous vous étonnez d’entendre parler ici de la courbe de Gauss ? C’est cette courbe que les professeurs connaissent et qui indique que la majorité des notes doit se trouver dans la moyenne. Même en n’étant pas totalement convaincue qu’il faille suivre parfaitement cette courbe, sûrement mon côté un peu rebelle, je me suis rendue compte que, globalement, cela le fait.

Le premier jugement, j’ai décidé de le vivre à ma manière. J’ai divisé le tas de photos en 3, les moins, les ok et les plus, puis j’ai redivisé pour ensuite les  entre 6 et 20 (à reformuler, pas clair pour quelqu’un qui ne connaît pas les concours). Et ensuite, j’ai ajusté au mieux selon mon âme et ma conscience mais aussi ma connaissance de la photographie d’un point de vue technique et esthétique. Il est très rare que je mette des 6 ou 7 et mes notes s’étalent plus entre 8 et 20. Ces jugements sont publics donc certains photographes sont là et je les encourage à venir, mais nous reviendrons plus tard sur ce point. A chaque fois que l’un d’eux me le demande, j’explique mes choix, le pourquoi du comment. Ils sont d’accord ou pas, là n’est pas le problème. Ce qui est le plus important est l’échange d’idées, de points de vue qui fait évoluer chacun d’entre nous dans notre connaissance de l’art photographique.

Depuis ce jour, j’ai toujours plaisir à répondre par la positive aux personnes qui me proposent de faire un jugement car il en ressort sans cesse du positif, même cette fois où un photographe m’a prise à partie de façon virulente car j’étais, selon lui, incompétente du fait de la note que je lui avais mise. Je ne dis pas qu’à la fin j’étais sa meilleure amie mais je lui ai permis de voir que tout l’amour qu’il avait mis dans son travail, sa création pouvait ne pas être partagé, tel Picasso, Miro, et bien d’autres, et il m’a fait comprendre que même si je ne suis pas fan de certaines techniques, je dois valoriser le travail, la recherche, etc. Ce fut donc un peu « violent » sur le coup mais très positif rétrospectivement.

 

Mes conseils de jugée et de juge

En tant que jugée, la photo que j’aime restera toujours la photo que j’aime

En tant que jugée, je ne jugerai le juge qu’avec bienveillance

En tant que jugée, je resterai humble et chercherai toujours à prendre en compte, un peu ou beaucoup le retour des personnes sur mon travail

En tant que jugée, j’ai le droit d’être différente, de voir les choses différemment

En tant que jugée, j’accepte d’être incomprise

En tant que jugée, je me félicite d’avoir osé montrer mon travail

 

En tant que je juge, je serai toujours humble quant à mon propre travail

En tant que juge, je donnerai toujours une note objective, tenant compte de la technique, l’esthétique, la créativité et mon ressenti

En tant que juge, j’accepterai des partis pris différents des miens

En tant que je juge, j’accepterai l’erreur, je me donnerai le droit de me tromper

En tant que juge, j’accepterai d’être jugée

En tant que juge, je partagerai toujours mon point de vue

En tant que juge, je serai toujours à l’écoute du photographe

 

Être jugée ou être juge, c’est un échange autour de la passion de l’image, de ce qu’elle montre et ne montre pas, des émotions qu’elle provoque. On dit « le poids des mots, le choc des photos ». Et n’oubliez jamais que quelle que soit la note, ce sont votre photo et vos émotions et si elle est dans votre top 10 avant un jugement, elle y restera après le jugement !

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